"Pas très prometteur", Marco Schank au sujet de la conférence de l'ONU sur le développement durable

Le Quotidien: Vous étiez à Copenhague avec Claude Wiseler pour la conférence de l'ONU sur le changement climatique, il y a trois ans. Que retenez-vous de cette expérience?

Marco Schank: Copenhague était vraiment un échec pour moi. La conférence de Durban (NDLR : conférence sur le changement climatique à l'automne 2011) était une étape plus importante.

D'abord, on a décidé d'un mandat de négociation en vue d'un nouvel accord juridiquement contraignant, avec un agenda précis, l'accord devant être finalisé, en 2015 et entrer en vigueur au plus tard en 2020. Ensuite, l'UE, avec quelques autres pays industrialisés, a décidé d'accepter une 2 période d'engagement de Kyoto qui, autrement, aurait pris fin au 31 décembre 2012. Il y a vraiment une extrême urgence parce qu'on a atteint un nouveau niveau record des émissions de gaz à effet de serre en 2011, alors qu'il s'agit de les réduire au moins de moitié d'ici 2050 afin d'éviter les conséquences les plus graves du changement climatique.

Le Quotidien: L'ONU a-t-elle tiré les leçons de l'échec de Copenhague?

Marco Schank: Copenhague était une conférence sur la protection du climat. Rio+ 20, c'est une suite de Rio, il y a vingt ans, et de Johannesburg, il y a dix ans.

C'est pour cela que l'ONU a décidé de diminuer le spectre en choisissant deux thèmes fédérateurs: l'économie verte avec l'éradication de la pauvreté et le cadre institutionnel.

Le Quotidien: Mais a-t-on une chance de voir la conférence s'achever sur un accord contraignant alors que Barack Obama, David Cameron ou encore Angela Merkel seront absents?

Marco Schank: J'ignore avec précision qui va finalement y aller. Néanmoins je crois que bon nombre de Premiers ministres et de ministres de l'Environnement seront présents. J'espère qu'on sera quand même à un certain niveau de participation des chefs d'Etat. Notre chef d'Etat sera en tout cas présent...

Le Quotidien: Comment se passent ces conférences de l'ONU? Les petits pays sont-ils laissés de côté ou y a-t-il une écoute?

Je crois qu'il y a une écoute. Ce qui a changé, bien sûr, c'est que les pays se regroupent dans certains camps. C'est une chose que je remarque à chaque fois que je participe à de telles conférences. A Copenhague c'était la même chose, à Nagoya (NDLR: sur la biodiversité en 2010) aussi.

Il y a toujours les pays moins développés, les pays industrialisés, l'UE, les pays Aosis (les petits Etats insulaires). Et les intérêts sont tellement différents que c'est de plus en plus difficile de trouver des accords. Vous savez bien que les Nations unies ne constituent pas un gouvernement mondial, elles ne légifèrent pas. Mais les accords de l'ONU donnent une certaine légitimation pour agir, ils sont à la base des conventions. Je suis cependant conscient que Rio ne va pas aboutir à un succès foudroyant. Si on regarde le progrès des négociations au préalable, ce n'est pas très prometteur, je avoue.

Le Quotidien: Quelle sera la position de l'Union européenne?

Marco Schank: L'UE s'est beaucoup engagée au niveau des négociations préalables.

Il y a quatre principes essentiels pour l'UE: d'abord, il s'agit de faire progresser la transition de la planète vers une économie verte, contribuer à l'éradication de la pauvreté. C'est un des points où peut-être Rio a quand même atteint un certain succès. Il y a toujours une personne sur cinq qui vit dans l'extrême pauvreté.

Le 2e volet, c'est la protection de la couche d'ozone. Là aussi on constate un certain succès. Au niveau de la déforestation, on n'a pas su arranger les choses. Chaque année, une surface boisée de la grandeur de l'Autriche et de la Suisse disparaît. Cela concerne surtout la forêt tropicale. Nous devons définir des objectifs opérationnels, des mesures concrètes et un agenda concret. Le Grand-Duché veut même demander une déforestation niveau zéro en 2020 alors que l'UE vise ce niveau en 2030. La troisième chose c'est le renforcement du cadre institutionnel, le programme des Nations unies pour l'environnement. L'UE demande soit une institution ou une agence spécialisée, soit une sorte d'organisation mondiale de l'environnement. Je viens d'entendre que, sur ce dernier point, les négociations s 'annoncent particulièrement difficiles, parce que le G77 (NDLR : coalition des pays en développement) a déjà déclaré qu'il y est opposé, de même que, apparemment, les Etats-Unis et le Canada. En tout cas, l'UE va contribuer à demander ce renforcement. Le dernier principe, ce sont des objectifs cohérents pour l'après-2015 en matière de développement durable.

Le Quotidien: L'Union européenne arrive-t-elle à se faire entendre?

Marco Schank: À la conférence de Durban, sans l'UE, on n'aurait pas agi de la sorte, on n'aurait pas trouvé l'agenda pour faire avancer les choses. C'est l'UE qui a toujours été le moteur de cette dynamique pour trouver un résultat à la fin de la conférence. Et si je vois ce qui s'est passé lors des consultations préalables, c'est encore l'UE qui a quand même mis bien des points à l'agenda.

Le Quotidien: Et le Luxembourg?

Marco Schank: Le Luxembourg agit dans l'enceinte de l'UE. Il ne peut pas faire autrement. Bien sûr, on peut aller plus loin sur un point précis, la déforestation ou les écosystèmes marins, on va dire ce qu'on pense des choses.

Le Quotidien: Comment le Luxembourg a-t-il mis en pratique la déclaration de Rio en 1992?

Marco Schank: Le Grand-Duché a pris ses engagements au sérieux et mis en oeuvre une politique de développement durable. On a approuvé un premier plan national pour le développement durable en 2004, on vient d'adopter en 2010 le 2e plan national qui a créé les indicateurs de développement durable. Et on a adapté notre aide au développement. Il y a vingt ans, à Rio, c'était Jacques Santer qui avait dit qu'on voulait pousser l'aide publique au développement jusqu'à 0,7% du PIB et vous savez que depuis 2008/2009 on est à 1%. Avec ce pourcentage, nous nous retrouvons dans les tout premiers rangs. Et cet engagement est toujours une réalité car le Premier ministre l'a reconfirmé lors du débat sur l'état de la Nation. Nous avons aussi souscrit au "fast start finance" (NDLR: financement dit de mise en oeuvre rapide pour aider les pays en développement à faire face aux effets du changement climatique et à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre), ce n'est pas le même financement qu'au niveau de la coopération.

Le Quotidien: Où en est le Luxembourg au niveau de l'économie verte?

Marco Schank: Je ne vais pas tout énoncer... On a développé un plan d'action d'écotechnologies. Vous connaissez notre programme étatique au niveau de l'efficience énergétique des logements et surtout la nouvelle réglementation pour la performance énergétique qui va entrer en vigueur le 1er juillet. Il y a aussi le taux de TVA super réduit pour les maisons de moins de 20 ans. Et les propriétaires qui vont assainir leur maison au niveau énergétique peuvent profiter d'un amortissement fiscal accéléré. Ce sont deux projets qui sont en cours. Il y en a d'autres, comme le projet sur l'écoprêt à taux zéro pour combattre la pauvreté d'énergie. Et il y a des efforts au niveau du logement subventionné: le Conseil de gouvernement a adopté, vendredi, un amendement au 9 programme du logement subventionné et là on va fixer la classe énergétique isolation à B et la classe A pour le bilan énergtique complet.

Le Quotidien: Et pour les énergies renouvelables?

Marco Schank: Le but est d'avoir 11 % de la consommation dnergie finale brute en provenance de sources renouvelables en 2020. Pour le moment on est à 3 ou 4%.

Ce que je peux faire au niveau du département de l'environnement, c'est trouver des sites pour les parcs à éoliennes. On a trouvé un certain rythme pour aller de l'avant avec la SEO et les autres promoteurs privés. Et il y a aussi des projets d'infrastructure de biogaz. Là aussi on essaie de trouver toujours un chemin où on concilie les deux aspects: d'abord, le ministre délégué au Développement durable veut bien sûr promouvoir les énergies renouvelables, veut pousser cette dynamique mais, d'autre part, il doit également respecter les contraintes en matière de protection de la nature.

Enfin, la commission du développement durable à la Chambre a arrêté, mercredi dernier, les derniers amendements du pacte climat. À la lumière du pacte logement, on va avoir des conventions entre l'État et les communes pour une politique énergétique et climatique durable. On a fixé des objectifs au niveau des infrastructures communales et un certain effort de la part des ménages est aussi demandé. On espère débuter avec le pacte climat à partir du 1er janvier 2013.

Le Quotidien: Le développement durable consiste aussi à réduire l'empreinte climatique. Est-ce le moment de remettre en cause le tourisme à la pompe?

Marco Schank: D'abord, on est toujours en conformité avec le protocole de Kyoto parce qu'on a la possibilité de recourir aux mécanismes dits flexibles prévus par le protocole, dont l'échange de droits d'émissions. Pour le moment on ne réussit pas, par des mesures exclusivement nationales, à atteindre cet objectif très ambitieux des 28% (NDLR: de réduction des émissions de gaz à effet de serre). Il faut tenir compte de notre évolution économique et démographique.

Le Grand-Duché connaît un développement démographique de plus de 2% par an, c'est énorme. Et on a plus de 160 000 frontaliers qui viennent chez nous chaque jour. Pour ce qui est des recettes de l'exportation des carburants, on ne peut pas décider du jour au lendemain de renoncer à un milliard d'euros. Nous avons malgré tout réussi à réduire nos émissions de 8% en 2010 par rapport à 1990.

Le Quotidien: Le développement durable implique aussi un engagement social...

Marco Schank: Pour réduire l'empreinte climatique, c'est très important d'associer le public. C'est pour cela que j'ai vraiment tenu à associer la société civile pour préparer la position grand-ducale pour Rio+20. On a pris les représentants du partenariat Climat, qu'on avait instauré pour le nouveau plan d'action pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et le Conseil supérieur du développement durable. Certaines revendications de ce groupe de travail font partie intégrante de notre position, comme le fait de renforcer le social au niveau du développement durable et d'entamer le processus de ratification de la convention relative aux peuples indigènes et tribaux de l'Organisation internationale du travail. Le gouvernement avait déjà annoncé, avant la motion des verts, la semaine dernière, qu'il soutiendrait cette démarche.

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