"Une vision globale". Le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, Marco Schank au sujet des problématiques liées à l'environnement

Lëtzebuerger Gemengen: Le "Partenariat pour l'Environnement et le Climat" a été présenté en janvier. Où en est ce projet?

Marco Schank: Il s'agit d'un processus formel impliquant le Gouvernement, les salariés, le patronat, les communes et les ONG. L'idée est de mobiliser la conscience des citoyens, pour qu'ils agissent pour la préservation du climat dans tous les domaines de leur vie quotidienne, que ce soit à la maison, lors de leurs déplacements ou au travail. D'où l'importance de faire participer la société civile à ces débats et de trouver un consensus avec elle. Le but de cette initiative est de définir des engagements -sur une cinquantaine de points, j'espère- qui seront ensuite traduits au niveau législatif. Nous voulons finaliser ce partenariat l'année prochaine. Le programme gouvernemental prévoit de mettre au point, également pour 2011, le deuxième "Plan d'Action pour la Réduction des Emissions de CO2" . Le premier date de 2006, il est toujours en vigueur et nous sommes en train de l'optimiser. Chaque pays membre de l'Union européenne doit, en outre, réaliser un "Plan national pour l'adaptation au changement climatique" avant mi-2011. Ce plan a une envergure plus vaste que celui qui concerne la réduction des émissions de CO2. Plusieurs thèmes fédérateurs ont été définis: la construction, le logement et le développement urbain durable; la mobilité; l'énergie; la nature, la biodiversité et la santé; et enfin, les éco-technologies et la recherche.

Lëtzebuerger Gemengen: Quel rôle les communes ont-elles à jouer dans la mise en place d'une politique de développement durable et quel soutien peuvent-elles attendre du ministère?

Marco Schank: Les communes remplissent une fonction décisive. Je travaille en ce moment même sur une sorte de "Pacte Climat" entre communes et Gouvernement, dont je souhaite définir le gabarit en collaboration avec les communes. Nous sommes en train d'évaluer ce qui, dans le passé, entravait leurs démarches. Nous déterminerons ensuite une série d'objectifs à atteindre pour obtenir un financement, après qu'elles aient dressé un état des lieux des émissions de CO2 liées aux bâtiments communaux et à la mobilité urbaine.

La plupart des responsables communaux sont sensibles à la problématique de la protection du climat et je crois que l'Alliance pour le Climat, qui est très déterminée et créative en la matière, a donné un visage à cette lutte. La commune dont j'étais bourgmestre, Heiderscheid, a d'ailleurs été une des premières à y adhérer, en 1994. L'Alliance pour le Climat regroupe aujourd'hui à peu plus d'un tiers des communes luxembourgeoises. Elle est, à mes yeux, un partenaire privilégié pour établir ce pacte, parce qu'elle connaît bien le terrain. Son slogan est: "Penser globalement, agir localement". La coopération avec l'hémisphère sud jouera donc naturellement un rôle primordial.

Lëtzebuerger Gemengen: La conférence de Copenhague est, de l'avis général, une déception. Qu'attendez-vous des prochaines conférences internationales sur le climat qui se tiendront à Bonn et à Cancùn cette année? Permettront-elles de rectifier le tir?

Marco Schank: Je pense que le seul résultat tangible de la conférence de Copenhague est l'engagement pris par les pays développés de consacrer 30 milliards de dollars dans les trois années à venir et 100 milliards d'ici 2020 au soutien des pays sous-développés dans leur lutte contre le changement climatique. J'espère que les prochaines conférences permettront d'adopter des décisions plus concrètes. Il faut, à mon avis, définir un accord à la hauteur du défi que représente le changement climatique, qui soit juridiquement contraignant et qui inclut les gros producteurs de CO2 comme les Etats-Unis, la Chine et l'lnde.

Lëtzebuerger Gemengen: 2010 est "l'Année internationale de la Biodiversité". Peut-on dresser un état des lieux au Luxembourg? Quelles initiatives ont été ou seront lancées pour préserver cette biodiversité?

Marco Schank: Le but de "l'Année internationale de la Biodiversité" est de sensibiliser le public, à commencer par les plus jeunes d'entre nous. Le programme 2010 regroupe 35 partenaires et prévoit quelque 200 événements parmi lesquels un concours créatif pour les enfants de l'école fondamentale et les lycéens ou encore la création d'une boîte à outils qui contient un ensemble d'ateliers thématiques à l'attention des écoliers et des jeunes qui fréquentent les maisons-relais.

Le dernier rapport de l'Observatoire de l'environnement naturel révèle que l'appauvrissement écologique de nos campagnes et la fragmentation du paysage se poursuivent, mais en revanche ce qui est plus optimiste, que les priorités fixées dans le "Plan national de la protection de la nature" sont atteintes. Il reste cependant encore des choses à faire comme terminer, avant la fin de cette année, le cadastre des biotopes pour mieux pouvoir les sauvegarder. Les "Plans d'action espèces et habitats" me semblent être une priorité. A titre d'exemple, on peut citer le projet de réintroduction de la moule perlière mené par la fondation 'Hëllef fir d'Natur' au Kaalber Millen, dans le Parc naturel de l'Our.

En tant qu'ancien président du Parc naturel de la Haute-Sûre qui est une des cinq stations biologiques luxembourgeoises, il me tient à cœur d'assurer la couverture totale du pays par des stations biologiques. J'avance sur le dossier concernant le futur parc naturel du Müllerthal et je lance l'idée d'un parc naturel en Moselle, dans la région de Schengen. Je souhaiterais d'ailleurs en appeler aux décideurs communaux pour engager des démarches afin que leur commune fasse partie d'une station biologique. Ainsi, ils disposeront des compétences et des moyens techniques et financiers nécessaires pour être pleinement actifs dans la protection de la nature.

Lëtzebuerger Gemengen: Selon l'étude "LUXRES" sur la valorisation des énergies régénératives, commanditée par l'Agence de l'Energie, les ressources énergétiques renouvelables pourront couvrir au maximum 4,5% des besoins du Grand-Duché en 2020. Quel est le potentiel du bois en tant que source d'énergie et comment faire pour le valoriser?

Marco Schank: Moi-même je me chauffe au bois depuis plus de 25 ans. Ceci pour dire que je crois en la filière du bois, comme matériau de chauffage neutre en termes d'émissions de CO2 . D'après une estimation de l'Administration de la Nature et des Forets, si un quart du volume de bois qui pousse dans nos forêts (soit environ 200.000 m 3) était utilisé pour la production d'énergie, cela permettrait d'économiser l'équivalent de 30 millions de litres de fioul par an. Concernant les déchets de bois, seuls 4% sont valorisés au Luxembourg; les 96% restants sont exportés. Lors de la présentation du nouveau "Plan national de gestion des déchets", j'ai lancé le mot qu'à l'avenir nous souhaiterions réutiliser davantage ces résidus sur place, par exemple en construisant des stations de chauffage qui fonctionnent avec des copeaux de bois, comme c'est déjà le cas dans un certain nombre de communes. C'est la biomasse qui offre le plus grand potentiel. De nouvelles stations de biométhanisation sont d'ailleurs créées un peu partout dans le pays. Les éoliennes constituent également une piste à exploiter mais, dans ce cas, la problématique de la protection du climat est confrontée à celle de la protection de la nature, notamment des oiseaux, et à celle de la préservation du paysage. Mais, là encore, il faut penser global et prendre tous les points de vue en considération. Nous n'aimons peut-être pas tellement la vue de ces machines, mais il ne faut pas oublier que des paysages entiers sont détériorés en Afrique ou en Amérique du sud pour que nous, Européens, puissions importer et utiliser certaines sources d'énergie.

Lëtzebuerger Gemengen: Les campagnes de sensibilisation des particuliers sur la construction durable et sur la consommation énergétique ont-elles du succès?

Marco Schank: Les aides que nous avons mises en place sont très bien accueillies. Nous enregistrons environ 600 appels par mois sur la hotline de myenergy (8002-1 190), ce qui prouve que les campagnes se sensibilisation portent leurs fruits. En ce qui concerne les primes "Cool" qui sont attribuées pour l'acquisition d'appareils réfrigérants à basse consommation d'énergie, nous avons reçu plus de 12.000 demandes de subventions éligibles depuis leur mise en place en janvier 2009, et on estime aujourd'hui à environ 38% la part des réfrigérateurs A++ vendus au Luxembourg en 2009.

Pour ce qui est des primes "House", les demandes portent surtout sur les chaudières à bois ou les chaudières à condensation, ainsi que sur les installations solaires photovoltaïques et thermiques. Il faut dire que, sur ce point, les aides étatiques sont très intéressantes et que nous sommes réactifs quant à leur attribution. En revanche, au niveau de l'assainissement énergétique des anciennes constructions ou de la construction de maisons passives et basse énergie, pour le moment, les délais peuvent aller jusqu'à quatorze mois. Pour améliorer le service et raccourcir le temps d'attente, nous avons décidé de collaborer avec des sociétés externes qui ont le savoir-faire nécessaire pour traiter ces dossiers.

Par ailleurs, en ma qualité de ministre du Logement, je suis en train de réaliser plusieurs projets-pilotes avec des communes pour montrer ce qui est réalisable au niveau de l'efficience énergétique, notamment des bâtiments à énergie positive, qui produisent plus qu'ils ne consomment. Le 9e "Plan quinquennal pour les logements subventionnés des promoteurs publics" prévoit pas moins de 8.400 logements subventionnés de classe énergétique B. Je suis aussi en train d'élaborer une certification qui distingue les maisons construites d'une façon durable, non seulement au niveau énergétique, mais aussi au niveau des matériaux utilisés, qui doivent être recyclables ou biodégradables et sains pour les habitants.

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