"Vers un Grenelle Environnement à la Luxembourgeoise". Claude Wiseler au sujet du nouveau pacte national pour le climat et le développement durable

Le Figaro: Quels sont les grands chantiers que vous menez dans les domaines de la logistique et des transports?

Claude Wiseler: Pour le Luxembourg, le choix de s'investir dans la logistique est un choix naturel, dans la mesure où le pays bénéficie d'une localisation stratégique au cœur de l'Europe. Nous avons engagé de gros efforts d'investissement sur les infrastructures, en travaillant simultanément sur les quatre modalités de transport comme autant de facteurs d'attractivité pour les entreprises. Ainsi, dans le domaine aérien, une nouvelle aérogare a été mise en service en 2008, associée à une nouvelle zone d'activités. Côté routes, le réseau routier est déjà aujourd'hui performant, et va encore être amélioré afin d'assurer l'accessibilité des centres de logistique pour que des firmes puissent également s'y installer. En ce qui concerne les installations ferroviaires, nous nous réjouissons du succès de l'autoroute ferroviaire créée entre Bettembourg et Perpignan, par la société Lorry-Rail. Enfin, nous avons, dans le domaine de la navigation fluviale, investi dans le port de Mertert, sur la Moselle, qui est un port trimodal.

Le Figaro: Comment conjuguer cet investissement massif dans les transports avec les objectifs de développement durable édictés par le Gouvernement?

Claude Wiseler: D'abord en privilégiant lorsque c'est possible la multimodalité, comme c'est le cas avec l'autoroute ferroviaire ou le port trimodal. Depuis quelques années, les investissements ferroviaires ont d'ailleurs dépassé le routier. Nous développons également les transports en commun. Il faut savoir que le Luxembourg accueille chaque jour 145.000 frontaliers, dont 70.000 Français. Nous rencontrons donc un problème de capacité aux heures de pointe. Nos investissements portent donc sur une augmentation de la capacité acheminant les Français vers le Luxembourg, et une meilleure distribution "fine" dans la ville elle-même. La gare centrale a atteint sa capacité maximale. Nous projetons donc de construire trois gares périphériques et travaillons également à la création d'un tramway. Le Gouvernement a d'ailleurs clairement indiqué que les transports en commun étaient une de ses priorités, avec un objectif pour 2020 d'une part modale de 25% pour les transports publics contre 14% actuellement.

Le Figaro: Après la ratification du protocole de Kyoto et celle du paquet climat-énergie adopté par l'Union européenne, par quelles mesures le Luxembourg tente-t-il de respecter ses engagements en faveur de la diminution des émissions de gaz à effet de serre?

Claude Wiseler: Conformément au protocole de Kyoto, l'engagement du Luxembourg est de ramener, avant 2012, ses émissions degaz à effet de serre à 72% de ce qu'elles étaient en 1990. Différentes mesures à caractère national ont été mises en œuvre dans ce but. Ainsi, nous avons développé un programme d'aides financières pour les énergies renouvelables et l'utilisation rationnelle de l'énergie. Une nouvelle législation sur la performance énergétique des bâtiments a également été mise en place. Nous poursuivons les aides financières pour la promotion des voitures à faibles émissions de CO2 (CAR-e et CAR-e plus) et des appareils électroménagers réfrigérants à basse consommation d'énergie (Prime Cool). Nous avons également lancé une campagne d'information et de sensibilisation relative aux ampoules à basse consommation d'énergie. Enfin, une contribution "changement climatique" sur les carburants routiers a été mis en place et la taxe sur les véhicules routiers a été restructurée selon les émissions de CO2.

Le Figaro: Quel est votre sentiment sur la conférence de Copenhague qui s'est tenue le mois dernier?

Claude Wiseler: L'accord obtenu n'est pas celui que nous avions espéré. Le Luxembourg, mais aussi l'Union européenne, avaient de plus grandes ambitions. L'accord obtenu n'est pas contraignant et ne contient ni objectifs précis de réduction des émissions de CO2 , ni mécanisme de suivi. Il s'agit toutefois du premier accord mondial sur la protection du climat, alors que le protocole de Kyoto n'engageait que les parties signataires et que deux tiers des émissions mondiales sont aujourd'hui dues à des pays non signataires. De plus, l'accord fixe l'objectif de limiter l'augmentation de la température planétaire à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et prévoit des investissements, à court terme (2010-2012), de près de 30 milliards de dollars afin d'aider les pays les plus vulnérables à s'adapter à l'impact du dérèglement climatique. Bien qu'à nos yeux, cet accord ne soit pas suffisant, il s'agit d'un premier pas, certes petit, qui a été réalisé. D'autres pas devront suivre!

Le Figaro: Comment la préoccupation écologique se traduit-elle au sein de la population?

Claude Wiseler: Au Luxembourg, les citoyens font preuve d'une grande sensibilité à la question climatique, mais sont parfois hostiles à des mesures contraignantes. Nous avons voulu saisir l'occasion de Copenhague pour lancer une large discussion publique qui permette de mettre en relation les grands principes et les mesures concrètes, à la façon de ce que les Français ont initié avec le Grenelle Environnement. C'est l'objectif du pacte national pour le climat et le développement durable dont l'idée a été présentée le 21 décembre dernier. La démarche fixée inclut des débats multipartites avec tous les acteurs concernés: l'Etat, les syndicats, les employeurs, les collectivités territoriales et les organisations non gouvernementales. Nous devons travailler sur un paquet de mesures global, qui prenne en compte aussi bien la mobilité que la construction, la rénovation des bâtiments anciens, les ressources naturelles, l'énergie, etc. Face aux nouvelles exigences environnementales, le paquet de mesures qui seront élaborées devra contenir nécessairement tant des mesures d'aide et de soutien que des mesures normatives ou contraignantes.

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