Campagne de contrôles interadministratifs dans le secteur de la construction: Actions "coup de poing" internationales sur deux grands chantiers à Esch-Belval et Luxembourg

Les objets de contrôle retenus

À l’approche du congé collectif du bâtiment (d’obligation générale et territoriale) les corps de métiers sur les chantiers sont particulièrement confrontées à des situations de stress au lieu de travail.

La pression des délais imposés génère souvent un risque élevé de survenance d’accidents du travail, dus notamment à la fatigue croissante des travailleurs et au relâchement fréquent de la vigilance à tous les niveaux.

Les autorités de contrôle compétentes ont dès lors procédé récemment, de concert et à titre proactif, à deux inspections majeures, la dernière ayant eu lieu en date du 19 juillet, en soirée, sur le chantier du tunnel Staffelter de la route du Nord et la première, il y a quelques semaines, sur un site de construction sis à Esch-Belval.

La mission des enquêteurs

La mission des agents de contrôle consistait à passer au peigne fin la conformité des entreprises aux obligations du Code du travail et à la législation sociale et les standards sécuritaires, médicaux et sociaux appliqués aux salariés occupés in situ.

Par ailleurs, l’occasion de dialoguer directement entre inspecteurs européens et salariés des pays d’origine respectifs était donnée, de même que la faculté d’échange international d’informations utiles et de bonnes pratiques entre administrations.

Cette nouvelle dimension transnationale des contrôles permettra de mieux contrer le travail illégal transfrontalier, qui se transforme sans cesse en variantes de plus en plus sophistiquées d’emplois atypiques et de statuts de pseudo-indépendance, sans parler des chaînes de sous-traitants occultes...

Des moyens innovateurs mis en œuvre

À chaque fois, le dispositif engagé comprenait jusqu’à 30 agents publics issus de 4 à 8 administrations publiques différentes (autochtones et européennes) sous la coordination du Pôle détachement et travail illégal (PDTI), division du département opérationnel de l’Inspection du travail et des mines (ITM), en vertu:

  • du programme "euro-détachement", visant l’échange multilatéral d’inspecteurs du travail et l’élaboration d’un "kit pédagogique" standardisé de contrôle destiné aux inspecteurs du travail, tel que promu par la Commission européenne et de l’autre
  • des accords bilatéraux signés entre le Luxembourg, la Belgique, la Pologne et, récemment la France et le Portugal, des inspecteurs du travail de ces 4 États-membres de l’UE ont participé activement aux contrôles sur terrain

La force opérationnelle comprit plus précisément par contrôle:

  • entre 5 et 8 agents de la police grand-ducale (services régionaux de police spéciale, police judiciaire des étrangers, commissariats de proximité, police de la route et SCP)
  • 10-12 agents, issus de 2 brigades de la nouvelle inspection "ITM-Environnement", de l’Administration des douanes et accises, dans le cadre des "Attributions sécuritaires" et de la Cellule de coopération de Strassen
  • 3-4 membres du "Service immeubles" de l’Administration de l’enregistrement et des domaines
  • 1-2 inspecteurs en chef du travail (Contrôle des lois sociales) belges
  • 2 inspecteurs du travail polonais (dont une ingénieure)
  • 2-3 inspecteurs du travail français de Lorraine
  • 1 inspecteur du travail portugais
  • 4-5 agents de l’Inspection du travail et des mines.

Les résultats obtenus

L’évaluation du contrôle des travailleurs rencontrés sur les deux sites a permis de dresser les conclusions suivantes:

  • Sécurité: des infractions aux dispositions relatives à la sécurité et santé au travail ont dû être retenues:
  • problèmes récurrents de non-communication à l’ITM, d’absence de mises à jour, voire d’affichage sur site des "avis préalables" (document que le maître d’ouvrage doit faire élaborer par un coordinateur "sécurité-santé" agréé)
  • non-conformités, sur un site, au niveau des équipements de protection collective et individuelle, telles qu’absences de protections contre les chutes de hauteur, etc.
  • des plans particuliers de santé, à fournir obligatoirement par chaque entreprise avant son accès au chantier, étaient manquants, déficients ou non-disponibles dans des langues compréhensibles par les salariés engagés
  • Santé au travail: une demi-douzaine de salariés d’une entreprise luxembourgeoise, non-détenteurs du certificat d’aptitude (obligatoire avant l’embauche!) pour un poste à risque, ont dû être écartés du chantier de Belval et mis en congé extraordinaire aux frais du patron, dans l’attente de la passation de l’examen par un médecin du travail d’un service agréé au Luxembourg (STM ou STI p.ex.)
  • Détachement: une entreprise hongroise, présente dans le tunnel, n’était pas en mesure de présenter aux autorités la "communication de détachement" (de salariés), formulaire comprenant les informations relatives à l’ensemble des documents obligatoires au Grand-Duché ( mesure préventive: éloignement temporaire du chantier)
  • Droit d’établissement (travail clandestin): deux entreprises ont cessé temporairement leurs activités sur le site de Belval, en raison d’irrégularités retenues en matière d’autorisation d’établissement
  • Fraudes ou irrégularités d’ordre fiscal: plusieurs entreprises étrangères ont omis de s’immatriculer à la T.V.A. luxembourgeoise et se verront infliger des amendes
  • Lutte contre le dumping social: une entreprise polonaise, récidivante, connue des autorités polonaises et autochtones a été obligée de payer les différences (considérables) de salaires échus, à l’ensemble de ses salariés ayant travaillé sur notre territoire et à faire traduire ses documents sociaux en français.

La conclusion

Un système de contrôle d’accès par badges ou des listings de présence faisait défaut sur les sites contrôlés et l’avis préalable, s’il existait, ne coïncidait pas toujours avec toutes les entreprises effectivement présentes ou censées être actives incessamment.

Les directions de chantiers ("project management") devront veiller plus consciencieusement à ce que les entreprises autorisées à accéder au chantier (dont le confinement est censé être hermétique) disposent d’une conformité générale ("compliance") à l’ensemble des normes relatives à l’emploi, le travail, l’immigration, la sécurité sociale, la sécurité et santé au travail, l’environnement (y inclus commodo) le fisc, etc., au risque de cessation temporaire ou définitive des activités correspondantes.

De tels efforts contribueront à une prévention plus efficiente des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles des salariés engagés, dans une approche de responsabilité sociale durable des entreprises.

Les promoteurs immobiliers et maîtres d’ouvrages, en général, mais plus particulièrement, les instances de droit public, lors de l’adjudication des marchés aux différents entrepreneurs et à leurs sous-traitants sélectionnés, devraient être plus responsabilisés en facilitant, dans leur propre intérêt d’économie de temps (et partant, d’argent…) lors des contrôles, le travail des enquêteurs, par une transparence intégrale au niveau des coordonnées obligatoires incombant à l’ensemble des corps de métiers présents sur sites.

Les "avis préalables", y compris tous documents connexes, sources d’information indispensables pour les autorités doivent être soignés et précisés avec davantage de rigueur par les acteurs sécuritaires concernés.

Communiqué par l’Inspection du travail et des mines

Dernière mise à jour